Les mille et un usages du bâti, conte urbain contemporain
En 2025, comment faire concilier les besoins multiples des bâtiments et espaces existants ?
Un des grands enjeux de notre siècle réside dans la résolution de cette équation - pas si nouvelle que cela – entre occupations et optimisation des espaces, et surtout, adaptation aux nouveaux usages et aux nouveaux modes de travail.
Mille et un usages, où s’arrête la prise en compte des besoins multiples ?
Le monde de l’immobilier tel que nous le vivons aujourd’hui peut être vu comme un vrai paradoxe : le mot « immeuble », du latin « Immobilis » veut littéralement dire « qui ne bouge pas ». Et à juste titre, car en dehors des chinois qui ont déplacé un bâtiment entier en le faisant « marcher », a priori quand on a choisi un emplacement, on le garde.
Oui, mais cela ne veut pas dire pour autant que les usages internes doivent, eux, être fixes et immobiles !
Bien au contraire arguent aujourd’hui la plupart des directeurs de l’environnement de travail ou même les aménageurs (comme Slean par exemple avec sa solution métropole), qui tous prônent une nouvelle ère de l’adaptabilité et de l’évolutivité des espaces en accord avec les usages.
Mais aucun jusqu’ici ne va aussi loin que BiCG, avec son concept de Liquid real estate (immobilier liquide) et son approche qui souhaite résoudre les challenges de l’immobilier d’aujourd’hui dont certains espaces trop ou trop peu utilisés (même les jours de présence sur site.)
Pour BiCG le principe est simple : prenez un bâtiment, mettez-y des espaces et du mobilier le plus « neutre » possible, prenez une application qui matche les utilisateurs et les espaces entre eux au jour le jour en fonction des besoins réels et vous aurez un bâtiment qui change et se transforme au gré des besoins et des usages. Un peu comme le Uber du bureau en somme, l’espace de travail à la demande, mais tout cela dans un seul et même bâtiment, qui se module et évolue au jour le jour en fonction des collaborateurs et des besoins.
Révolutionnaire sur l’approche, périlleux dans la pratique ?
Pas tant que ça, ni pour l’un ni pour l’autre. Car cette approche est déjà testée en partie dans les universités, en tout cas sur la partie allocation dynamique des espaces en temps quasi réel (a minima semestriellement) … mais cette réallocation dynamique quotidienne s’y limite quand même à des activités peu ou prou les mêmes (donner des cours), ne nécessitant pas de mouvement de mobilier ou d’installations techniques particulières.
Si ce concept a déjà été testé en vrai par des petites entreprises, à taille humaine, ou sur des étages tests de certaines structures, aucune expérimentation grandeur nature n’a encore été tentée… Nous attendons avec impatience le retour d’expérience de EY Madrid qui a décidé d'essayer cette approche innovante pour son nouveau campus de Madrid, qui sera alors le premier campus sur ce modèle de « Real Estate liquide » (5 000 collaborateurs sont attendus sur le campus).
Fluidité des usages et mixité fonctionnelle, jusqu’où va -t-on dans ce mélange des genres ?
Les réflexions portées par le « Liquid Real Estate » de BiCG amènent forcément à se poser la question – très actuelle – de la mixité fonctionnelle.
Mixité fonctionnelle, mixité d’usages : des locaux vides de trop nombreux jours (et nuits).
Le sujet est multiple. Quand on parle de mixité fonctionnelle, parle-t-on de mixer les usages au sein d’un immeuble avec du tertiaire, du co-working, un hôtel, une salle de sport, un restaurant commercial… ou parle-t-on d’ouvrir ses locaux en pied d’immeuble à des enseignes commerciales ou à des associations et organisations de quartier ?
Tous les cas de figure sont possibles et envisagés aujourd’hui car la question est importante et au cœur de l’actualité.
Les bâtiments et les espaces de la ville, qu’ils soient publics ou privés, sont largement sous-utilisés. Face à ce constat (terrible) que les locaux sont bien trop souvent inutilisés, en premier lieu en dehors des horaires de bureaux (le soir et le week-end) mais aussi maintenant le vendredi et parfois même en semaine – alors même que les bâtiments ont un poids financier et énergétique très important - de nombreuses entreprises se posent la question de l’utilisation réelle de leurs locaux, et donc des possibilités qui s’offrent à eux. Car une meilleure exploitation des m² offrirait des bénéfices écologiques, économiques et sociaux potentiellement très importants. Alors la question se pose : comment maximiser l’usage des bâtiments ?
Pour certains la réduction drastique des surfaces de bureaux et le passage en flex (parfois agressif) a été une solution, pour d’autres l’intégration d’un espace de coworking partagé, ou encore la sous location d’espaces non utilisés, ou parfois l’ouverture de ceux-ci à des publics ou des commerçants extérieurs. Toutes ses solutions ayant leurs lots d’avantages et d’inconvénients, propre à chacune mais aussi à la typologie de l’entreprise.
Mixité fonctionnelle ou intensité d’usage ?
Mixité fonctionnelle ou intensité d’usage, il s’agit de la vraie question à se poser. D’autant plus quand les deux sont souvent confondues ou que les termes sont utilisés l’un pour l’autre. Ou quand les deux questions se posent en même temps !
Commençons par les définir :
Arrêt sur image sur la mixité fonctionnelle : terme qui a été très mis en avant avec le PLU bioclimatique de Paris et sa servitude de mixité fonctionnelle*, elle se définit habituellement comme la pluralité des fonctions (économiques, culturelles, sociales, de transports…) sur un même espace (quartier, lotissement ou immeuble). En entreprise, ce terme s’applique aussi, pour désigner des espaces ou des « populations » et des usages se mêlent.
(*Il s'agit d'une servitude visant à imposer une part minimale de 10% de logements dans les projets de construction, de restructuration lourde ou de changement de destination, au-delà d'un seuil de 5000 m² surface de plancher construit ou rénové.)
L’intensité d’usage, quant à elle, qu’elle soit surfacique ou temporelle, vise à mesurer l’utilisation d’un espace. En entreprise, les espaces étant souvent mono usage, ils sont très souvent sous-utilisés.
S’il n’est aujourd’hui presque plus question de faire construire une salle de restaurant d’entreprise sans y penser des possibilités d’usage en dehors de l’heure méridienne, les possibilités et exemples sont très nombreux.
Il est aujourd’hui grand temps de maximiser les possibles du déjà-là et de multiplier sur une même surface une diversité d’usages par la chronotopie, la mutualisation, l’hybridation et la réversibilité.
C’est là toute l’ambition de l’action collective copilotée par Paris&Co qui fédère un groupement d’acteurs publics et privés engagés pour transformer les pratiques de l’immobilier vers un modèle circulaire, ou encore d’outils comme l’Intensi Score, qui vise à évaluer le potentiel d’intensification des espaces et propose des mesures concrètes afin de mieux utiliser le bâti existant.
Ces deux approches, pourtant bien différentes, sont à regarder de près. Elles font aujourd’hui émerger de nombreuses réflexions, des pratiques et des projets précurseurs sur la mutualisation des espaces, services, des usages, qui peuvent être dans l’intérêt de tous, comme les projets des bureaux du cœur par exemple.
Parmi les personnes qui pensent ces problématiques, nous pouvons notamment citer Sylvain Grisot (Urbaniste Circulaire Dixit.net – SIMI 2024) et Walid Goudiart (associé fondateur de Sarment) qui vont au-delà des murs des bâtiments tertiaires et proposent de repenser l’approche « sociale » d’un quartier plutôt que d’un immeuble seul. Vers la mixité du quartier au-delà de la mixité de l’immeuble : pour que, ensemble, à plusieurs immeubles, les quartiers réadressent les besoins des travailleurs et des habitants, sans que tous portent les mêmes infrastructures et les mêmes coûts….
Réflexion et paysage utopique ? Peut-être pas tant que ça.
"Mixité fonctionnelle ou intensité d’usage(s) ?
Les deux sujets valent le coup d’être abordés dans la réflexion menée sur les bâtiments dans leur environnement. » Sylvain Grisot, Urbaniste Circulaire Dixit.net – SIMI 2024


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